
La Roumanie est depuis un certain temps, sans aucun doute, sous le siège hybride de la Russie. Celle-ci mène une propagande très agressive, avec des attaques coordonnées, tant sur le plan politique que médiatique. Le sommet a été atteint en novembre 2024, pendant la campagne pour les élections présidentielles, l'intervention étant en faveur de Călin Georgescu, ce qui a également conduit à l'annulation du premier tour de scrutin et à son retrait ultérieur de la course présidentielle. Le danger, cependant, n'est pas passé définitivement, il guette au coin de la rue, en attendant le prochain scrutin électoral ou des élections anticipées, que cette même propagande tente de forcer.
Un signal d'alarme concernant le danger de l'attaque hybride de la Russie est tiré, ces jours-ci, également par la société civile. Au président de la Roumanie, Nicușor Dan, et au Premier ministre Ilie Bolojan, il est demandé par une pétition en ligne de traiter d'urgence la guerre hybride comme une priorité zéro, comme une immense menace pour la sécurité nationale. « Dans le contexte géopolitique actuel, l'avenir démocratique de la Roumanie et même sa souveraineté et son intégrité territoriale sont en jeu. Les guerres sont aujourd'hui gagnées en silence et systématiquement par la manipulation de l'information. Des fausses nouvelles, des narrations favorables à l'adversaire géopolitique, des actions payées par des acteurs politiques autochtones. (...) Dans notre région, nous avons un agresseur désigné par les organisations dont nous faisons partie, l'UE et l'OTAN : la Russie. Cela fait plus de 10 ans qu'elle mène des actions hostiles et de déstabilisation dans les pays occidentaux et depuis près de 4 ans, elle mène une guerre militaire d'agression contre un pays souverain voisin nouvellement créé. (...) Nous vous demandons de ne pas nous laisser à la merci de la Russie », indique la pétition intitulée Action politique contre la guerre hybride.
Les membres du Conseil national de l'audiovisuel ont observé, après les élections présidentielles du 18 mai, un changement de stratégie de la propagande russe en Roumanie, attire l'attention Valentin Jucan, vice-président de l'institution : « Nous avons été attaqués par le biais des plateformes, nous avons été attaqués avec des bots, nous avons été attaqués en utilisant des deepfakes, nous avons été attaqués en sapant notre confiance dans les institutions, nous avons été attaqués en compromettant l'histoire et en falsifiant la vérité. (...) Nous voyons un changement dans la guerre de l'information. Il s'agit de changer le désir des Roumains de vivre dans un pays démocratique et de réorienter les opinions des Roumains d'un pays pro-occidental vers un pays isolationniste, ce que nous savons tous mener en fait à une réorientation de la Roumanie vers une sortie de l'UE et à rester dans le sillage de la Fédération de Russie.
Il n'est pas du tout fortuit que ces attaques hybrides, qui visent à diffuser des thèmes du discours du Kremlin, soient intensifiées en cette période de tensions sociales générées par les mesures – inévitables – prises par le gouvernement Bolojan pour redresser financièrement le pays. En l'absence de ces mesures, en cas d'échec des réformes, l'entrée en incapacité de paiement de la Roumanie, c'est-à-dire la faillite, n'est qu'une question de temps. Une situation qui pousserait la Roumanie dans le chaos. Or, la déstabilisation représente l'un des objectifs du Kremlin.
Les segments de la population fanatisés par la propagande pro-russe, anti-occidentale ont besoin, cependant, aussi d'un véhicule politique. AUR et la bande pseudo-souverainiste font des plans pour renverser le gouvernement Bolojan et, par ricochet, pour des élections anticipées. Pas seuls, car ils ne le peuvent pas, mais en alliance avec le PSD, exponent du « système » que AUR & co. demonisent dans des discours démagogiques. AUR espère que les sociaux-démocrates trahiront la coalition gouvernementale soit en sortant du gouvernement, soit en aidant par des votes une motion de censure pour renverser le cabinet Bolojan. George Simion a parlé publiquement de son rêve d'accéder au pouvoir, cet automne, aux côtés du PSD. Le parti qu'il a jusqu'à présent qualifié de partie du « système » qui a détruit la Roumanie et dont il a dit qu'il s'était introduit dans le formol pour paraître « propre et fréquentable ». Voici qu'il se dépêche maintenant d'avaler la « grenouille au formol », car la démagogie est devenue coutumière dans le cas du leader d'AUR. De plus, il veut un Premier ministre pro-russe et amateur de légionnaires, Călin Georgescu, un autre qui mime, pour des votes, la lutte contre le « système », dont lui-même a été partie pendant des années. En fait, partie d'une structure très discrète du « système », ce qui peut expliquer ses « missions » aux États-Unis, avant 1989, et le silence du SIE sur le sujet, puis la période viennoise, durant laquelle il n'est pas clair de quoi il a vécu.
En plus des partis pseudo-souverainistes déjà existants, qui n'ont pas réussi à s'imposer au sommet de l'État, la création d'un nouveau parti est annoncée. Intitulé Ro-Exit – pour qu'aucun doute ne plane concernant l'agenda politique : sortir la Roumanie de l'UE. Ro-Exit a été une idée véhiculée dans l'espace public depuis 2017-2018, par d'autres figures du mouvement pseudo-souverainiste : l'ancien colonel du SRI Daniel Dragomir et Dan Chitic, un autre « patriote » loué par la propagande russe et considéré comme étant « peut-être le premier à avoir levé le drapeau du souverainisme roumain ». Dragomir, un promoteur vocal de Ro-Exit – condamné entre-temps pour des actes de corruption, a fondé en décembre 2017 la plateforme civique Roumanie 3.0, qui visait à « récupérer la dignité nationale », et à l'été 2018, il avait tenté, sans succès cependant, de la transformer en parti nationaliste. Par la suite, avec Dan Chitic, il a fondé le Parti Alliance nationale, qui avait parmi ses principaux objectifs « le retour de la dignité et de la souveraineté du pays ». Derrière le parti récemment formé Ro-Exit se trouve le criminel de droit commun Sorin Ovidiu Vântu, artisan de la méga-escroquerie financière FNI, qui a spolié des dizaines de milliers de Roumains, condamné pénalement dans deux affaires de grande corruption et libéré sous condition. Ro-Exit, dit SOV - qui soutient que « l'Occident représente les tortionnaires du peuple roumain » - sera un parti qui souhaite également collaborer avec l'ancien candidat pro-russe à la présidence, Călin Georgescu, réactivé peu après la perte du scrutin présidentiel du 18 mai, bien qu'il ait annoncé qu'il se retirait de la vie politique, étant depuis lors sous enquête pénale pour complicité dans une tentative de coup d'État.
Le danger majeur est qu'une grande partie de la population est perméable à ce type de messages mensongers, car elle n'a ni éducation, ni éducation civique, et, par conséquent, ne peut développer des mécanismes d'immunisation contre les désinformations. D'ailleurs, pour beaucoup, la Russie et ses porte-voix en Roumanie ont réussi à les manchuriser, à les convaincre qu'en fait, il n'existe aucune campagne de désinformation lancée par le Kremlin. La propagande (pro-)russe travaille intensément, essayant de jouer son jeu. Pas avec des chars, comme dans les années 1950, mais par le vote donné par des esprits troublés par la propagande à des politiciens agréés par Moscou, qui ramèneront, un jour, la Roumanie dans la sphère d'influence de la Russie.