De plus, une citation sympathique du psychologue américain James Hillman : « Être vieux est une aventure. Sortir de la baignoire et courir vers le téléphone, ou tout simplement descendre quelques marches, implique autant de risques qu'un voyage à travers le désert de Gobi, monté sur un chameau. Autrefois, quand nos jambes nous aidaient, nous descendions les escaliers rapidement et étions déjà à la porte. Maintenant, cependant, qui sait quand nos genoux nous lâchent, de manière perfide, et quand nous allons rater, en descendant, une marche. Autrefois, nous apprenions des renards et des faucons ; aujourd'hui, nos enseignants et nos enseignantes sont les limaces, les grenouilles vaseuses et les élans engourdis dans les marais. L'aventure de la lenteur.
En anglais et en allemand, la vieillesse ne s'exprime pas comme une référence à l'âge avancé, mais, tout simplement, comme un terme générique pour « âge ». L'anglais te demande : « How old are you ? ». Comme l'allemand : « Wie alt bist du ? ». En roumain : « Câți ani ai ? ». Et la réponse est du genre « J'ai 2, 3, 15, 40, 70 ans ». Ce qui signifie que « la vieillesse » commence dès que tu nais ! Venir au monde équivaut à commencer un processus de vieillissement, avec le déclin qui l'accompagne... « Je suis vieux de cinq ans » – déclare poliment le petit devant toi. Une réponse pleine de... métaphysique.
Mais l'histoire enregistre aussi d'autres types de discriminations. Dans la Rome antique (et au Moyen Âge), l'irritation face à l'implication politique (par influence ou vote) des vieux a suscité le slogan : « Sexagenarios da ponte ! » (qu'ils soient jetés du pont). Une mentalité qui réapparaît, de manière spectaculaire, dans le Paris « révolutionnaire » de 1968 : « Ne faisons pas confiance à ceux qui ont plus de 30 ans ! ». Plus cruelle encore est la réglementation du Moyen Âge chrétien concernant les compensations juridiques en argent pour certains crimes : si tu tuais un homme de 20 à 50 ans, tu pouvais racheter ton péché en payant 300 deniers. Si la victime dépassait 65 ans, tu t'en sortais avec 100.
Cependant, il existe aussi des visions plus « nobles », plus encourageantes, sur la vieillesse. Alexandru Paleologu parlait avec émotion de la belle expérience de la « grand-mère » comme un privilège de l'âge avancé. Il ajoutait, avec humour, que le fait d'être vieux t'aide à te débarrasser d'obligations antipathiques. Quand tu t'ennuies à un banquet, tu peux te retirer sous prétexte de fatigue (senile), de délabrement truqué. Noica avait une observation encore plus radicale : à la vieillesse, tu te débarrasses, par exemple, constatait-il, de diverses tracasseries organiques : la pression érotique, les douleurs annexes (les douleurs dentaires, par exemple : 32 dents, 32 ennemis – tu ne les as plus, tu es sauvé !) etc. Quant à l'approche de la mort, Noica observait avec étonnement : « On meurt depuis des millions d'années et le monde ne s'est pas encore habitué à comprendre la situation... ». La vieillesse a aussi l'avantage de pouvoir, enfin, savourer le repos. L'état d'« otium » est reposant et gratifiant.
Jean Chrysostome, tout comme Cyrille d'Alexandrie, inventoriait les péchés « chrétiens » de la vieillesse : la morosité, la procrastination, la présomption, l'immobilité. À l'inverse, Origène est plus attentif aux vertus : la pureté du cœur, la sincérité de l'âme, l'aptitude à comprendre. Mais Cicéron avait été plus nuancé (De Senectute) : « Ce n'est pas l'âge qui est coupable, mais les mœurs ». Et puis, il existe des vieux et des vieilles. Tous les vins ne s'aigrissent pas avec le temps... L'agriculteur n'a pas de raisons de se plaindre que l'hiver soit arrivé.
La créativité n'est pas nécessairement affectée par le vieillissement. Titien est mort de la peste à 86 ans, mais il était hyperactif même après 70. De même, Picasso (mort à 92 ans), Bach et d'autres. Ce qui est triste, c'est plutôt la fin prématurée de certaines valeurs massives, dont les réalisations méritaient un destin plus généreux. Il est difficile de croire et d'accepter que Raphaël est mort à 37 ans, Eminescu à 39, Novalis à 23, Mozart à 35, Pascal à 39. Et peut-être que lorsque tu as peur, humainement, de ne pas partir trop tôt, il est plus sage de penser à de tels destins et de te demander qui tu es pour vivre plus longtemps qu'eux...
https://www.dilema.ro/situatiunea/notite-despre-batrinete_3199